Douceur, simplicité et sérénité sont les maîtres mots du gîte le Mas de Saribou, une maison contemporaine et écologique avec piscine naturelle. C’est en 2014 que Michel et Annick ont eu le projet de construire un gîte écologique au cœur de l’Ardèche. Quelques années plus tard, la pandémie s’abat sur notre pays avec son lot de prises de conscience. Parmi elles, un retour à la nature et la simplicité… Dans un contexte incertain en novembre 2020, Annick nous raconte son parcours et se livre avec naturel et optimisme sur son quotidien et sur l’avenir…
Je vous souhaite une belle écoute / lecture !
Rencontre avec Annick Carle-Roux du Mas de Saribou
Annick a toujours baigné dans le monde du tourisme. Cette éternelle optimiste se nourrit depuis toujours de rencontres humaines avec une belle philosophie, celle de donner et recevoir…Bonjour Annick, peux-tu te présenter et nous dire quelques mots sur le gîte ?
Merci tout d’abord à toi Laura de m’avoir invitée sur ton podcast. Je m’appelle Annick Carle-Roux, je possède le gîte le Mas de Saribou, un écogîte situé en Ardèche depuis 2014.Quel est ton parcours professionnel ?
Je travaillais dans le tourisme car j’étais guide conférencière. Je faisais visiter les monuments, les châteaux… De ce fait, j’ai toujours été en contact avec de nombreuses personnes (étrangers, français). J’aime l’accueil et j’aime discuter. Depuis longtemps mon mari et moi on trouvait que c’était une bonne continuité par rapport à nos métiers d’accueillir des personnes, des familles, des amis dans notre maison familiale.Comment est née l’envie de construire un gîte écologique ?
Depuis longtemps on avait cette idée. Le nerf de la guerre manquait : l’argent. Par le fait que nous avons pu vendre des terrains à bâtir, on a pu concrétiser cette idée de construire un gîte écologique en agrandissant notre maison familiale. Ca s’est fait relativement tardivement car les enfants étaient déjà grands. Ce qui n’était pas plus mal pour laisser mûrir le projet. C’est une maison qui s’est faite en autoconstruction, donc ça a mis 2 bonnes années.Vous avez fait tout vous-mêmes. Vous n’avez pas fait le choix d’être accompagnés par un architecte ou d’autres professionnels pour construire le gîte écologique?
Au départ, on a pris une architecte spécialisée dans les bâtiments écologiques. Et puis, il y a eu des petites erreurs donc on a décidé de se séparer à l’amiable. On s’est dit qu’on joue le tout pour le tout car on est en zone classée (proche d’une église classée monument historique) et en zone verte (près d’un ruisseau). On a joué un peu nos dernières cartes : si l’architecte des bâtiments de France acceptait notre projet contemporain, on continuait. Il s’agissait d’un agrandissement d’une vieille maison avec la pose d’une toiture végétale (normalement on est tenu de respecter les toitures romanes). Le projet a finalement plu à l’architecte et on s’est lancé. Mais on s’est séparé de l’architecte. Michel a dessiné les plans et il a tout fait lui-même sauf le gros-oeuvre. Un maçon nous a aidé mais sinon tout le reste c’est du home-made…De quel budget disposiez-vous pour concrétiser ce projet de gîte écologique ?
On travaille un peu le nez au vent à vrai dire. C’est un peu un défaut et une qualité… Michel et moi n’avons jamais trop noté tout ce qu’on dépensait. C’est compliqué quand on fait tout soi-même. Il faudrait tenir des fiches, des carnets… On ne l’a jamais fait. On pense à la louche que le projet nous a coûté environ 140 000 euros pour 160 m² de maison, plus la piscine naturelle qui a été faite par Michel. Les piscines naturelles sont très coûteuses si on prend une entreprise spécialisée. Ce budget représente la moitié de ce que nous aurait coûté la piscine, si on avait fait appel à des entreprises.Pourquoi avoir fait le choix d’un gîte plutôt qu’une maison d’hôtes ?
Parce qu’on était vieux ! J’avais la soixantaine en 2014 quand même et Michel la même chose. Maison d’hôtes c’est plus de contraintes : il faut proposer le dîner, le petit-déjeuner… Je suis un hybride entre la chambre d’hôtes et le gîte puisque je ne me contente pas de donner simplement les clés. Je peux faire les petit-déjeuners à la demande. Je fais aussi des apéros dinatoires une fois par semaine. J’accompagne les hôtes, s’ils le désirent, durant leurs visites de village ou leur rando. Je suis là, tout en restant discrète, si on a besoin de réserver un peu de conciergerie. Je propose des idées de sorties si les hôtes ne savent pas quoi faire. La clientèle étrangère apprécie d’autant plus à cause de la barrière de la langue… et même les français ! Le partage, l’accueil, la convivialité sont appréciés. Les personnes qui sont là pour une semaine sont très favorables à ce qu’on les aide, qu’on les conseille.La communication et la commercialisation du Mas de Saribou
Quelles stratégies Annick a-t-elle choisi de déployer pour faire connaître le gîte écologique ?Quel est le profil de votre clientèle ?
On a beaucoup de français mais aussi des étrangers. En Ardèche, c’est une clientèle allemande, belge et néerlandaise. On a un peu d’anglais. On a eu quelquefois des Américains et des Brésiliens. Dans le profil, on retrouve des personnes qui recherchent la campagne, une sensibilité à l’écologie, la nature et une certaine aisance financière quand même. Après on a aussi des jeunes avec des budgets plus modestes mais qui viennent en hors saison. Ils viennent entre amis et c’est d’autant plus raisonnable quand on partage les frais en baisse saison.Vous êtes ouvert toute l’année ?
Oui je suis ouverte toute l’année, sauf si on part. L’hiver est quand même calme en Ardèche.Par quels moyens sont réalisées les demandes de réservation ?
Par message Instagram ou sur notre site. Je suis aussi sur des sites marchands comme Airbnb. On était au départ sur Gîtes de France, Abritel (si pour certains types de gîtes c’est parfait, pour nous ça ne correspondait plus). Je suis aussi sur un site américain (Boutique homes), sur Enjkey et sur le site d’une agence immobilière (Patrice Besse). Enfin, je suis aussi sur un site anglais i-escape.Est-ce que tu gardes la gestion en autonomie ?
Si on n’opte pas (comme Abritel) pour la réservation instantanée, on se retrouve punis au fin fond de leur liste. Pour Enjkey ou Boutique Homes, c’est toi qui a le contact.Est-ce que tu aurais une idée de ce que te coûtent ces adhésions et commissions ?
Non et c’est tout le bât-blesse car je fais tout au pif… Airbnb c’est 8 ou 10%, mais ils vont bientôt s’aligner à Booking et prendre 15%. Enjkey c’est aussi 15%. Bootique Homes c’est entre 10 et 15%. I Escape également. L’agence Patrice Besse, c’est 300 euros mais il ne prend pas de commission. En gros pour les plateformes ça tourne aux alentours de 10 à 15%. C’est pour ça qu’Instagram peut être intéressant pour les réservations en direct (mais il faut comprendre l’algorithme). On le dit souvent mais c’est de plus en plus compliqué, c’est un vrai métier. Ou alors il faut être jeune, s’accrocher, faire des formations, maîtriser les Réels… Mais c’est un deuxième métier je trouve !Je suis complètement d’accord, mais c’est incontournable donc il faut s’accrocher…
Oui complètement ! Instagram c’est gratuit mais pas totalement. Car on peut faire un peu de promo, nouer des partenariats ou faire du troc avec des influenceurs.Est-ce que tu as fait beaucoup ce type de partenariat ?
Je suis très reconnaissante parce que le coup de pouce vient de là. Je ne me voile pas la face. Ce sont les hasards des rencontres sur Instagram avec des personnes à qui la maison a plu. J’ai pu rencontrer des personnes qui étaient reconnues, avec une belle communauté et ça m’a donné un réel coup de pouce.Est-ce que tu as déjà démarché ce type de profil ?
Je leur ai proposé mais au départ la maison leur plaisait. Je ne connaissais pas trop le monde de l’influence. Je suis vraiment novice. À mon âge (67 ans je le redis), aucune de mes copines n’est sur Insta. C’est le hasard des rencontres sur Instagram ! Si tu veux qu’on parle de toi, il est normal que tu les invites. C’est un vrai troc. Il y a un travail démentiel derrière leurs photos… J’ai aussi eu la chance d’avoir de la visibilité auprès de photographes ou de magazines (à qui j’envoyais des photos à l’ancienne dans une enveloppe !). Tout le monde pourrait le faire. Et puis il y a le hasard, on sait pas trop comment, parfois ça fonctionne.Il faut aller chercher les opportunités et montrer sa personnalité…
C’est ça il faut se lancer ! Qu’est-ce que tu as à perdre ? C’est gratuit tout ça. Si ça marche c’est formidable, on est heureux. Si ça marche pas, c’est pas grave, la vie ne s’arrêtera pas ! C’est important d’essayer, ne serait-ce que dans sa région parce que les gens ne viennent de pas si loin que ça.Est-ce que des fournisseurs sont venus vers toi ?
Pas spécialement, même si j’ai eu des contacts. Pour moi c’est un autre métier. Je ne suis pas entrée dans des partenariats rémunérés en tant que tel, il fallait que ça reste éthique et dans l’esprit du gîte…Le quotidien au Mas de Saribou
Construire un gîte écologique c’est du travail et gérer un écogîte au quotidien l’est tout autant !Le Mas dispose d’une piscine naturelle de 50 m², d’un hectare de pré et jardin, de 4 chambres, 2 salles de bain et 1 grand séjour ouvert sur la cuisine. Comment t’organises-tu au quotidien ?
Pour l’entretien je ne suis pas seule, loin de là. J’ai quelqu’un qui m’aide. Célia m’aide à chaque changement de famille. Michel est le spécialiste pour changer les couettes (bien chiant ce truc 😂, Célia et moi on est super nulles !). Il s’occupe aussi des planchas et du nettoyage de la piscine. Pour les piscines naturelles, il faut les brosser pour qu’elles soient impeccables. C’est la face cachée de ce type de piscine pour qu’elle soit propre et limpide ! Il y a du travail manuel. J’ouvre à partir de 2 nuits. Et à partir de là, je la prends car il faut aussi que Célia gagne sa vie. Pendant la saison, elle peut venir un dimanche s’il le faut, c’est une entente. Le jardin est immense et il faut passer partout, c’est beaucoup de travail. J’ai un certain âge, je me ménage même si je participe allégrement aux tâches ménagères.Quelle est l’activité qui te prend le plus du temps ?
C’est un peu tout. Pour le linge, il y a une laverie écologique tout à côté. Et tout le linge je ne m’en occupe pas car c’est une montagne, tu le sais autant que moi ! Il aurait fallu investir dans des machines plus “industrielles” pour s’en occuper. Je n’avais pas envie de m’enquiquiner. Dans notre région ce n’est pas horriblement cher et c’est du temps gagné ne serait-ce que pour le repassage.Est-ce qu’il y aurait d’autres tâches que tu souhaiterais déléguer ?
Non j’aime bien cuisiner, l’apéro j’aime le faire. Le ménage je ne déteste pas du tout, à condition que je ne sois pas seule. Mais ça prend un temps fou, on met 4 à 5 heures à trois. Alors imagine seule ! L’arrivée est à 16h et les hôtes partent à 10h. Si la maison est un peu cracra, c’est la folie de gérer le ménage seul ! Le jardin demande aussi beaucoup de temps, d’autant plus qu’on a un potager. Michel est très présent. Mais ça prend beaucoup de temps tout ça.Le quotidien est très varié, il faut être touche-à-tout effectivement…
Oui et je ne suis pas très organisée ce qui fait que je perds du temps. Je ne suis pas une fille organisée dans ma vie. Je manque de rigueur et je m’éparpille (ou je procrastine ;)) : je peux commencer un truc et faire autre chose ensuite. Il faudrait mettre en place des routines.Est-ce que tu aurais des conseils pour concilier vie pro et vie perso quand on tient une activité de gîte?
Je me ressource beaucoup dans la nature, je vais courir. Si je peux pas, je vais marcher avec des amis. C’est un peu ça le secret : se ressourcer dans la nature, bouquiner, se retrouver seule, faire du yoga (pas sur Zoom ;))… Le sport m’aide beaucoup. Autrefois, on faisait du kayak. J’aime garder ce côté “dehors”. J’ai aussi une vie sociale, des amis et les enfants. Je n’ai qu’un gîte, je le répète. Il est fait pour 8 personnes. C’est tout petit donc c’est plus facile de s’évader car c’est moins prenant. Si tu as 3 ou 4 gîtes, tu multiplies forcément les heures. C’est quand même très envahissant de gérer un gîte hybride particulièrement à la belle saison ! Plus on vieillit, moins on est efficace. Comme dirait ma mère, on ne peut pas être et avoir été. Ça a tendance à déborder… Après si ça me prend, je peux fermer. Personne nous oblige à rester ouvert, mais il faut que le nerf de la guerre soit là : l’argent. Pour cela il ne faut pas avoir trop de crédits ou être la corde au cou. Je ne suis pas dans cette situation, mais je ne me permets pas de juger. C’est tout autre chose !Face à la pandémie, est-ce que tu restes optimiste ?
Oh oui ! Je m’en rends compte car l’année dernière j’étais assaillie de mails et de coups de fil. J’essayais de les aider comme je pouvais mais on ne trouvait rien. Les français voulaient tous partir en vacances, même dans les coins les plus retirés. Il y a eu une demande démentielle ! Au-delà de ça, il y a une forte demande pour créer des gîtes et chambres d’hôtes. Il y a de la place pour tout le monde. Ça va aller en s’accentuant. Les gens sont en recherche de coins un peu retirés. Il y a un créneau important à prendre avec le retour à la nature et la simplicité. L’accueil joue aussi un rôle important. 💛 C’est pas juste une histoire de donner les clés et de se dire bonjour/au revoir. Moi je suis optimiste !Penses-tu que les touristes vont avoir de nouvelles attentes par rapport aux prestations ?
Je sais que je ne modifierais pas d’autres choses. Je pourrais le faire mais ça demande trop de temps. On pourrait faire des cours de cuisine avec de la châtaigne/champignons/truffe avec un paysan du coin, de la cueillette de plantes sauvages… Peut-être que je suis un peu âgée et que j’ai pas envie de m’embêter, mais je resterai comme je suis. Je ne vais pas créer quelque chose qui va me demander plus de temps. Parce que ça demande de changer ton site, démarcher l’Office de Tourisme, être encore plus présente sur Instagram. Avec tout ça, je péterai un câble je crois ! C’est sûrement plus adapté à une personne plus jeune que moi, qui en veut plus que moi à la limite. Tout ce qui touche au bien-être (chamanisme, ayurveda, taichi, ésotérisme…) comme le yoga, ça marcherait bien aussi. Mais pour moi c’est compliqué en termes de place. Il aurait fallu une 5e chambre. Bien sûr, dans toutes les régions, on peut faire des choses intéressantes. Les frères de Michel sont dans ce qui est spéléo, canyon, canoë, moi je renseigne les voyageurs mais je peux pas organiser les week-ends. Il y a une mise en place de ces activités qui prend du temps, il faut savoir taper à la bonne porte et anticiper le travail que ça demande.Dans le rétroviseur d’Annick
Il est temps de regarder le chemin parcouru jusqu’ici, de prendre le temps de se féliciter de tout ce qui a été accompli et de ne garder que le meilleur…Quelles sont les principales leçons que tu retiens de ton parcours depuis le lancement de l’activité ?
J’étais pas du métier, mais j’ai toujours baigné dans le tourisme depuis 1973. Ce que ça m’a apporté ? De rencontrer des gens de tous horizons (professionnels, aspirations, parcours…). Comme on est relativement proches, on partage beaucoup et on se raconte beaucoup nos vies, ce que font nos enfants… 🙂 Je retiens des gens de tous horizons, très différents des étrangers et avides d’échanger. Je retiens aussi quelques déboires (mais très peu !) mais surtout la gentillesse, l’amour et le bonheur qu’on peut donner. Chouchouter les gens bienveillants en vacances : tu donnes et tu reçois ! 💛Quelle a été la plus grosse difficulté à laquelle tu as été confrontée ?
Au début, je ne voulais pas que Michel bosse trop. On a pris une architecte spécialisée dans le bioclimatique. Elle s’est plantée car il y avait une petite rivière minuscule, dont elle n’a pas pris compte. Elle nous a ensuite fait un autre projet qui ne nous correspondait pas car il était sur 2 étages. On a perdu de l’argent environ 12 000 euros ! On a aussi des déboires avec notre voisine, car elle avait peur que les travaux lui ébranlent sa maison. Il a fallu qu’on fasse faire une expertise qui nous a coûté 4000 euros. La mairie a aussi fait crouler un mur. Ces petites choses me mettaient à bout et me faisaient dire que le projet ne devait pas se faire, surtout que je suis très superstitieuse. Heureusement j’ai un mari très têtu ! Je pense que ces difficultés sont inhérentes à tout projet. Quoi qu’on entreprenne, il y a forcément des obstacles, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Il y a toujours le revers de la médaille. Sur Instagram, je vois qu’il y a de grosses difficultés pour les porteurs de projet pour ce qui concerne les emprunts… Ou ceux qui ont racheté une vieille maison et paf la pandémie qui éclate ! Mais je reste confiante, je suis sûre qu’il va y avoir de très fortes demandes.Quels conseils donnerais-tu à un porteur de projet ?
- être moins bordélique et rigoureuse que moi : tu vois je devrais savoir te dire quelle est la rentabilité du gîte
- savoir faire des choix
- être généreux dans tous les sens du terme